lundi 24 mai 2021

Poésie Le petit Gardois :Roselyne Cusset

 

 

 

 


 

 

Roselyne Cusset : l’écriture est en moi

Le cri de Roselyne Cusset est silencieux. Il se transforme en mots écrits, en photos. À Saint-Ambroix où elle est venue s’installer, Roselyne Cusset nous offre la grande densité de son talent grâce « à la petite voix qui la guide au-delà du quotidien ». Une poétesse gardoise passionnée et passionnante qui a toute sa place dans l’arène littéraire des auteurs d’aujourd’hui.

 

Il est des enfants qui alternent le passage du monde concret à celui du rêve et de l’imagination. Roselyne Cusset se considère « plus rêveuse que les autres ». Enthousiasmée par ses lectures, les personnages surgissent des livres pour venir converser avec elle, éveiller sa curiosité au point de l’inciter à faire des recherches sur les auteurs. « J’ai lu un nombre considérable de classiques, mais ça ne suffisait pas » avoue-t-elle. Elle espère secrètement se faire enfermer dans une bibliothèque tout comme Leïla Slimani1 a souhaité être seule dans un lieu dont elle ne pourrait pas sortir, où personne ne pourrait entrer. Pour cela, elle s’est intentionnellement recluse pour une nuit dans un musée. Cette expérience lui a permis de respirer le parfum des fleurs dans une œuvre d’art. Sans doute est-ce le fantasme de certains romanciers qui rêvent dans des cloîtres. Ils sont à la fois les captifs et les geôliers.

 

LPG : Est-ce que le milieu dans lequel vous avez été élevé a favorisé votre goût pour la lecture, pour la poésie ?

Roselyne Cusset : Paradoxalement le milieu d’où je viens est à l’opposé de tout ça. Lire ou écrire de la poésie semblait impensable. Je vivais dans un monde pragmatique qui ne croit qu’en des valeurs de travail et d’actions concrètes. Une famille très catholique qui me considérait un peu comme une sorcière. Ah ces sorcières ! Claudine Sagaert2 en parle dans son livre. « Est considérée comme sorcière celle qui ne peut pleinement se consacrer à la vie de l’esprit. [..] Et pourquoi les envoyait-on au bûcher ? Parce qu’elles avaient un certain pouvoir, un certain savoir, et ne répondaient pas au schéma de la femme soumise soit à Dieu, soit au mari, soit au père. »

Fort heureusement pour elle, et pour nous, Roselyne n’a pas été envoyée au Bûcher, mais dans un pensionnat religieux. Le silence, l’environnement propice à se réfugier dans ses rêves et surtout la bibliothèque ont finalement assouvi sa soif de lecture et de découvertes.

 

LPG : Vous dites que l’écriture est en vous. Comment s’est déroulé ce cheminement intérieur ?

Roselyne Cusset : Dès l’âge de cinq ans, je savais déjà lire et j’étais curieuse de tout. J’ai mis de nombreuses années à me construire un monde particulier à écrire puis à déchirer ce que j’écrivais.

Un manque de confiance en moi malgré tous mes acquis littéraires et historiques emmagasinés au fur et à mesure de mes études.

Toutes sortes d’évènements vont ensuite marteler la vie de Roselyne Cusset. Une rupture avec sa famille, une cécité brutale qui l’isole et la plonge dans les tréfonds de la nuit et … une rencontre déterminante avec l’homme de sa vie qui surgit tel le héros affublé non pas d’une armure mais d’une bibliothèque immense. Refuge inespéré dans lequel elle va continuer à assouvir sa passion de la lecture. « La photographie a aussi été un déclencheur, un révélateur. Elle m’a aidé à coucher sur le papier ce que je n’osais pas dire. Depuis j’écris poussée par une nécessité impérieuse. Parfois en pleine nuit j’entends des vers, je me lève et je les tape sur mon clavier d’ordinateur. Lors d’une promenade après une conversation, en méditant, en écoutant la radio ou après avoir vu un film au cinéma, tout est prétexte à l’écriture. Je suis très sensible aux haïkus car je suis amoureuse de la civilisation japonaise. Je connais le Japon et je rêve d’y retourner. »

 

LPG : Et la poésie ? Vous avez publié « Sombres incandescences. » qui est une partie de votre écriture poétique. D’où puisez-vous votre inspiration ?

Roselyne Cusset : « J’écris dans des conditions non particulières. Je n’ai pas de rites, ni de lieu précis, à, part pour retranscrire mes textes sur l’ordinateur. Je noircis les pages blanches de carnets, adossée au mur d’une chapelle qui domine la petite ville où j’habite, au bord de la rivière sauvage où j’aime à me promener. La nuit parfois, le jour souvent. J’aime le silence. »

Son appareil photo, comme un prolongement naturel de son imagination, capte « ses instantanés poétiques » comme pour graver dans le réel ce que son regard perçoit. « Mes photos j’aime qu’elles déclenchent une émotion comme mes poèmes. » Ses instantanés poétiques, Roselyne Cusset les assimile à « son adéquation avec l’esprit occidental ». Cette série de dizaines de petits poèmes qu’elle nomme « Fulgurantes errances », « c’est le temps aboli entre deux mondes à la limite du silence, l’errance c’est de partir sans but avec pour toute compagne, les pulsations de ma vie telle une étoile qui bat au creux du monde. Les mots surgissent, envahissent l’espace sous mes paupières et se logent au plus profond de mon être. Ce sont des particules de rêves »

 

Les fées papillons

La chrysalide a refermé le passage

Sous les chuchotements

De l’orée buissonnante.

Vide elle continue de palpiter

La chaude présence du papillon.

 

Au loin quelques battements d’ailes

Ont suffi pour changer

L’infini ordonnancement du monde.

 

Les fées papillons

Se glissent sous les éclats de lune

Coupants comme du cristal

À l’unisson des lucioles

Ponctuant de leurs lumières opalines

Le sombre velours de la forêt.

 

Elles battent des cils en cadence

Accordées aux pulsations

Du cœur végétal.

Puis s’envolent.

 

 

L’envolée belle

J’ai relevé le prix de mes erreurs

Ça faisait un sacré pactole.

J’ai relevé la tête

Et compté les étoiles

Sur le bout de tes doigts.

Je me suis redressée

Tout en baissant ma garde

Je n’avais plus d’ennemis.

 

J’ai épanché mon cœur

Sur des blessures anciennes

Au fond de longs couloirs

Qui n’en finissaient pas.

L’écho m’a répondu de me taire

D’aller me faire voir ailleurs

Je l’ai écouté.

Il est temps de fermer la porte de tirer les volets.

De clore le débit des torrents de larmes.

Je m’en vais.

Je prends la vie buissonnière à bras-le-corps

L’échappée belle m’attend

Les envolées aussi.

 

Après cette période anxiogène que nous venons de vivre, le vaccin de la poésie est un remède bénéfique qui vient à point pour nous guérir des litanies « covidesques » qui rythment nos journées. Voilà qui tombe bien. Le 29 mai à Saint Ambroix se déroule toute la journée La Ruée des Livres. C’est la fête de l’écriture, de la langue de la poésie, du théâtre et de l’artisanat d’art autour du livre et du papier. L’occasion aussi de rencontrer Roseline Cusset qui sera présente lors de cette manifestation.

Roselyne Cusset a publié : Les nuit du bout du monde, (5 Sens Éditions),

Le chemin de l’Octarine (Nombre 7 Éditions)

et Sombres incandescences (Nombre 7 Éditions)

 

1Leila Slimani, Écrivaine, lauréate du prix Goncourt 2016 pour « Chanson douce » (Gallimard, 2016)

2Claudine Sagaert, Histoire de la laideur féminine, Ed. Imago. (2015)

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