La
malédiction de la fée Mélidictine
Le
lapin blanc parlait un simple langage composé de quelques sons,
bien distincts. Parfois il ne disait mots et se contentait de plisser
les yeux et d'arrondir un peu plus ses bajoues tout en remuant du nez
et tremblotant des moustaches. La jeune reine savait lire dans ses
pensées, elle le regardait l'air ennuyé et semblait déçue de ne
pouvoir marcher avec lui dans le parc du château. « Mon ami dit
elle, quand cesserez vous de jouer aux sortilèges, que faire pour
que vous repreniez forme humaine ? Autrefois lorsque vous étiez un
roi puissant, aux moustaches imposantes, au royaume immense tout me
semblait si facile.Hélas aujourd'hui il n'en est rien .Vous avez
voulu gagner vous avez malheureusement perdu.
Ma
douce couina le lapin, je suis pris dans un piège...Ce jeu
abracadabran avec votre marraine Mélidictine s'est révélé maudit
.J'ai avancé deux rois elle avait trois as, hélas.
Elle
a confisqué mon apparence, mais elle ne n'a pas réussi à prendre
mon âme madame. Je ne l'ai pas vendu même contre ma reine de cœur,
ce qui m'a valu ce grand malheur »
Le
jour pointa radieux, après une longue nuit de tourments pour le
lapin blanc. Au matin il se dressa sur ses pattes arrières et
déclara à sa belle, les yeux coquins et les moustaches
frémissantes « Cette nuit j'ai rêvé, une voix m'a dit que nous
devions nous rendre tout deux au bord du petit lac bleu dans la
clairière aux papillons. Nous nous mirerons tour à tour dans son
onde claire et pure. Vous prendrez une baguette fabriquée avec du
cornouiller rouge et m'en frapperez le museau .Je devrais
m'agenouiller et regarder mon reflet dans l'eau au soleil de midi
sans ciller ni fermer les yeux, et crier ,par le trèfle par le
carreau, le cœur et le pique, rendez moi mon corps de roi
Mélidictine.Je redeviendrai le monarque puissant et de belle
prestance que j'étais autrefois. »Aussitôt dit la reine se leva,
lissa ses longs cheveux, ouvrit ses belles ailes aux reflets nacrés
et suivie de son époux, se dirigea vers le point d'eau. En chemin
elle fabriqua la baguette magique. Arrivés à destination ils
s'agenouillèrent pour se mirer dans l'onde, tout en respectant les
indications du message de la nuit. Bien que les reflets renvoient
l'image d'une reine encore plus belle, le lapin lui resta un pauvre
lapinou.
RC
L’homme-arbre et la femme-nuage ; par Brigitte Martinez
Au fond d’une impasse au n° 4 de la
rue des églantiers se trouvait un petit immeuble de trois étages
avec une cour entourée d’un petit jardin. Bien que cette résidence
fût en pleine ville, on se croyait à la campagne car elle était
isolée du bruit de la rue.
Sur trois étages, plusieurs familles
vivaient en totale harmonie. Il y avait des rêveurs en ce lieu.
Au rez-de-chaussée vivait monsieur
Simon qui tous les soirs après son travail s’adonnait à sa
passion du jardinage. Il disait toujours qu’il se verrait bien
paysan, qu’au fond de lui même il était un homme de la terre. Au
premier étage, habitait la famille Baryton, ah ils portaient bien
leur nom, toute la journée de la musique, des vocalises et quand
venait l’été et que les fenêtres étaient grandes ouvertes, il
n’y avait pas besoin de radio dans l’impasse. Au dernier étage,
logeait mademoiselle Volubilis, elle était presque dans les cieux,
car grâce à ses fenêtres de toit, elle était toujours dans les
nuages.
Ainsi chacun vivait sa vie dans
l’impasse de la rue des Eglantiers.
Le printemps c’était la saison de
monsieur Simon, il plantait, il arrosait, il fleurissait la cour.
Dans ses rêves il était un arbre majestueux qui étendait ses
branches jusqu’au ciel et dans ses branches il imaginait bien un
nid pour lui et sa future nichée et pourquoi pas avec la jeune
Volubilis du troisième.
L’été c’était la saison de la
famille Baryton…. Ah ils la poussaient la vocalise, ils affolaient
les touches de leur piano, plus il faisait chaud, plus les aigus
s’aiguisaient. Eux aussi ils se voyaient bien grimper au sommet de
l’affiche.
L’automne c’était la saison de
mademoiselle Volubilis. Avec l’équinoxe d’automne arrivaient de
grands nuages, parfois blancs, parfois gris chargés de colère.
Mademoiselle Volubilis se voyait bien elle aussi monter là-haut à
califourchon et se balader sur le dos des nuages.
L’hiver, c’était le temps des
rêves endormis pour les habitants de la rue des églantiers. Tous
les jours monsieur Simon s’organisait pour être présent dans la
cour lorsque mademoiselle Volubilis rentrait de son travail. Deux
timides qui se rencontraient, cela donnait des regards fuyants, des
paroles évasives. Monsieur Baryton, avec ses lunettes rondes et son
air malicieux observait ce manège depuis la fenêtre de son salon.
Il trouvait qu’ils étaient bien empruntés ces deux là. Il faut
que je les aide se dit monsieur Baryton, qui, avait un don que les
voisins ignoraient. La Fée Allégria lui avait donné de grands
pouvoirs pour aider ses semblables et surtout celui de métamorphoser
les personnes en toutes sortes de choses.
Un jour, n’y pouvant plus, avec des
paroles magiques, Monsieur Baryton transforma monsieur Simon en un
bel arbre au feuillage abondant et avec des branches qui
s’allongeaient, s’allongeaient jusqu’à toucher les tuiles du
toit, d’autres branches grimpaient jusqu’aux fenêtres du
troisième étage, d’autres plus hardies rampèrent sur la toiture
jusqu’à la cheminée.
Il transforma mademoiselle Volubilis en
un joli nuage blanc moutonneux et élancé avec de longs cheveux
blancs soyeux qui lui permirent d’accrocher mademoiselle Volubilis
à la cheminée de l’immeuble tout en se balançant légèrement.
Ainsi les branches de l’arbre qui
grimpaient, grimpaient, peu à peu enserrèrent avec délicatesse le
nuage blanc. Nos deux tourtereaux pas les pouvoirs féeriques se
trouvaient enlacés là-haut entre ciel et terre à tout jamais
pensaient-ils.
Mais les pouvoirs de monsieur Baryton
ne duraient qu’une année, l’arbre et le nuage au bout de 12
mois à midi redeviendraient des personnes timides et empruntées, à
moins que…
De longues matinées, d’agréables
après-midis suivies de soirées voluptueuses s’écoulèrent
jusqu’au jour ou, l’année finie, les pouvoirs de monsieur
Baryton ne firent plus effet. Subitement, les branches lâchèrent le
nuage, elles se ratatinèrent et l’arbre rapetissa et reprit la
taille et les traits de monsieur Simon.
Le nuage se retrouva à flotter dans
les airs, ne tenant que par un seul fil qui, le vent aidant fut coupé
et il dégringola du toit, glissa le long du la façade et tomba au
sol et reprit la taille et les traits de mademoiselle Volubilis. Elle
se retrouva aplatie sur le carré de pelouse, dans la cour, au pied
de monsieur Simon stupéfait. Il l’aida à se relever, à
s’épousseter, à réajuster ses vêtements.
Ils étaient là tous deux, face à
face, les esprits embrouillés, ne comprenant pas ce qui leur
arrivait. Monsieur Baryton était à son poste d’observation et
était dépité par la timidité de ces deux là. Ni tenant plus, par
ses pouvoirs magiques, il déclencha une énorme tempête, de la
pluie, de la grêle, du vent tourbillonnant. Tous ces éléments
forcèrent les tourtereaux à se mettre à l’abri sous l’auvent
blottis l’un contre l’autre, et, soudain, oh miracle,
monsieur Simon pria mademoiselle Volubilis d’entrer dans son
appartement pour se mettre au sec, se réchauffer et il lui offrit
une tasse de thé…
Que se passa-t-il, nul ne le sut, les
souvenirs de leur année enlacés entre ciel et terre les a-t-il
réunis, ce qui est sûr est que ces deux là ne se quittèrent plus
et plantèrent dans la petite cour de nombreux arbustes aux
feuillages blancs et cotonneux.
TRINCO PUNCHO ET LE VOLO BIOU par Corrine Merchet
Trinco Puncho nait à Saint-Ambroix le 1er jour de l’automne alors que ses parents, Baptistou et Mativa Dugas, étaient fort occupés avec la récolte des castanhas. La châtaigneraie, la magnanerie et la vigne du Serre du Dugas étaient fort renommées dans cette contrée et nombreux étaient ceux qui y travaillaient. La famille et les employés présents ce jour-là eurent droit à fêter jusqu’au bout de la nuit la naissance de ce fils tant attendu.
« Crapoti, crapota, mon conte s’achève là…
si vous voulez le garder, fermez bien la porte à clef ! »
Trinco Puncho, fut élevé avec amour par ses parents qui l’emmenaient toujours avec eux quelque soit le lieu. Il connut très tôt et parfaitement Saint-Ambroix et ses moindres recoins. Il apprenait avec une grande curiosité tout ce qui pouvait de près ou de loin concerner la castanha, la vinha et lous manhans. C’était un enfant avec un fort tempérament, qui avait beaucoup d’’énergie à revendre et qui savait se faire respecter des autres.
« Crapoti, crapota, mon conte s’achève là…
si vous voulez le garder, fermez bien la porte à clef ! »
Pour Trinco Puncho, qui avait horreur de l’injustice, il était anormal que ses parents et lui logent dans lo castèl de Saint-Ambroix alors que la plupart de ses camarades vivaient dans des caves. Alors toutes les semaines, il en invitait 2 à venir jouer dans le domaine Serre du Dugas. Trinco Puncho se transformait en maître d’école et leur expliquait par exemple comment la vigne donnait naissance à un onctueux breuvage blanc ou rouge. Plusieurs fois même il leur en fit goûter quelques verres en cachette des ses parents et des employés.
« Crapoti, crapota, mon conte s’achève là…
si vous voulez le garder, fermez bien la porte à clef ! »
Trinco Puncho devint un jeune homme fort apprécié de tous les Saint-Ambroisiens. Sauf un, le Consul qui n’aimait pas ses éternelles contestations. Dès lors que ce dernier décidait ou entreprenait quelque chose pour sa ville, Trinco Puncho mettait tout en oeuvre pour le déstabiliser ou le contredire à tel point que le Consul le craignait de plus en plus. Jusqu’au jour où la récolte de raisins fut abondante et que faute de récipients, le vin moisi. Pour Trinco Puncho, ce fut trop d’autant plus que le Consul n’avait pas de solutions pour aider les habitants alors que le vin était un gagne-pain très important.
« Crapoti, crapota, mon conte s’achève là…
si vous voulez le garder, fermez bien la porte à clef ! »
Trinco Puncho décida alors de livrer bataille et forma des groupes de mécontents qu’il mena à la révolte. C’est ainsi que la légende du Volo Biou prit forme et que tous les ans, les Saint-Ambroisiens fêtèrent leur boeuf Caïet dans les jardins de Baptistou, Mativa et Trinco Puncho.
« Crapoti, crapota, mon conte s’achève là…
si vous voulez le garder, fermez bien la porte à clef ! »
LES UNS ET LES AUTRES par Corrine Merchet
Les Uns et les Autres vivent dans un village de Beauce et sont entourés de champs à perte de vue. Des champs où les Uns sèment toutes sortes de céréales que les Autres récoltent au moment venu.
Depuis des lustres, les Uns et les Autres cohabitent dans une entente parfaite et se rendent mutuellement service ; l’un apportant sa connaissance à l’autre.
Et depuis tout temps, le Maître prend les bonnes décisions pour les Uns et les Autres. Il veille sur eux et vérifie notamment à ce qu’ils ne manquent de rien. Il s’arrange, par exemple, pour que le vent, la pluie et le soleil soient présents juste ce qu’il faut afin que les récoltes soient excellentes et que les Uns et les Autres puissent manger à leur faim.
Mais voilà, un jour, le Maître, malade, se repose plus longtemps que prévu. Une fille des Uns et un garçon des Autres partent à la rencontre du vent, de la pluie et du soleil. Ils veulent faire leur connaissance et partager leurs jeux. Volontairement, ils oublient d’en parler au Maître car la fille et le garçon souhaitent pour une fois que personne ne décide à leur place. Les 5 compères s’amusent, chantent et rient à en perdre haleine et ne s’aperçoivent même pas que la journée est terminée ; le soleil ayant tout bonnement oublié de se coucher et pour cause ! Complètement désorientés, les Uns, les Autres, le vent, la pluie et le soleil ne savent plus ce qu’ils doivent faire, où et quand.
Un fois réveillé, le Maître comprend ce qu’il se passe. Déçu, contrarié et fâché que l’on ait pu se moquer de lui, il décide alors que le soleil ne se lèvera plus durant 3 jours. Il ordonne également que le vent et la pluie se livrent bataille jusqu’à ce que les moissons, les récoltes et les champs soient en partie détruits. Seul le Maître est autorisé à faire la pluie et le beau temps sur le village de Beauce et qui sème le vent, récolte la tempête !
CHARLOUTE ET LA MAISON DE TROIS ÉTAGE par Corrine Merchet.
Il était un fois une petite fille de 10 ans qui s’appelait Charloute et qui demeurait dans une maison de 3 étages. Cette maison se situait au bord d’une clairière où se dressaient des centaines d’arbres de toute sorte.
On ne sut jamais pourquoi l’un d’entre eux prénommé, Monsieur Pin Parasol, se retrouva prisonnier entre ses quatre murs. Toujours est-il qu’il prit possession du rez-de-chaussée en s’y installant de façon très coquette. Tout le monde aimait lui rendre visite et nombre sont ceux qui lui tenaient compagnie des après-midi entières autour d’un thé ou d’une limonade.
Un jour, Mademoiselle Altostratus, nuage de son état, en eut assez de voyager et décida de se poser. Elle avait repéré cette maison à 3 étages et savait que le dernier étage était inoccupé, elle décida alors de s’y installer.
Quelques temps après, ce fut la fête au village et tous les enfants vinrent offrir des bonbons à Monsieur Pin Parasol pour le remercier de faire pousser sur ses branches des fruits qu’ils adoraient !
Parmi eux se trouvait une petite fille que personne ne connaissait ; elle venait tous les jours à l’école et repartait sans rien demander à personne. Ce jour-là, elle vint avec un panier rempli de guirlandes qu’elle distribua aux enfants et avec le reste elle en habilla l’arbre. Et quand elle se mit à pleurer, il l’a pris et la déposa délicatement sur l’une de ses branches pour la consoler. Elle lui expliqua qu’elle vivait seule dans une maisonnette depuis que sa maman était partie et qu’elle ne supportait plus de vivre seule bien qu’une vache et une poule partageaient tous les soirs son souper. Monsieur Pin Parasol l’écouta très attentivement et ému, il lui proposa de venir vivre avec lui. Charloute fut tellement heureuse qu’elle ne réfléchit pas et alla chercher, la vache, la poule, sa blouse d’école et sa poupée qu’elle ne quittait jamais.
Monsieur Pin Parasol et Charloute devinrent inséparables et coulèrent des jours heureux.
Un dimanche après-midi, Monsieur l’Arbre faisait la sieste alors que la petite fille jouait avec deux oiseaux qu’elle avait pour habitude de voir sautiller sur les branches du pin parasol. L’un d’eux lui dit « nous on sait où tu vis, peut-être aimerais-tu voir où nous dormons ? » « Oh oui, répondit Charloute, je vous suis ». Qu’elle ne fut pas sa surprise de monter les escaliers et de découvrir au 1er étage une ribambelle d’oiseaux qui piaillaient, jouaient, dormaient ou volaient de fenêtre en fenêtre. Un perroquet vint se poser sur ses épaules pour lui souhaiter la bienvenue et lui demanda si elle était déjà montée au 2ème étage. « Non, je ne savais pas que la maison était si haute et que j’avais le droit de visiter ! » « Alors viens avec nous » renchérit une mésange bleue violette « Toi qui sait lire, tu vas nous aider ! ».
Curieuse, Charloute monta sans hésiter et comprit pourquoi les volatiles avaient besoin d’elle. Des étagères entières étaient remplies de livres et même si les oiseaux pouvaient parler, ils ne savaient pas lire et cherchaient
désespérément une personne qui leur lirait des histoires le soir avant de s’endormir.
La petite fille s’arrêta devant un livre noir et blanc qu’elle reconnut immédiatement car c’était le dernier que sa maman lui avait offert avant de disparaître et qu’elle avait perdu un jour d’école. Elle l’ouvrit, expliqua les images et commença la lecture. Attirés par sa voix douce et mélodieuse, tous les oiseaux vinrent l’écouter et Charloute ne vit pas le nuage qui était entré et qui la regardait. Quand elle eut terminé, tous battirent des ailes et Mademoiselle Altostratus virevolta autour d’elle « Bonjour charmante demoiselle, d’où viens-tu ? je ne t’ai jamais croisée auparavant ! » Charloute lui répondit poliment « j’habite dans cette maison au rez-de-chaussée avec Monsieur Pin Parasol qui m’a recueillie ! et vous monsieur le nuage ? » « Je ne suis pas un homme mais une femme nuage et je loge aussi dans cette maison mais au 3ème et dernier étage, nous sommes donc voisines et cela me plait ! » « Nous pourrions devenir amies et si Monsieur Pin Parasol est d’accord je t’emmènerai voler dans le ciel en compagnie de tous les oiseaux que tu choisiras ! »
Les pétales de Sakura par Brigitte Martinez
Là-bas au pays du soleil levant vivait
une jeune fille prénommée Kumiko. Elle vivait dans un petit village
sur les pentes du mont Yoshino.
Elle a grandi avec ses grands parents,
ses parents, ses frères et sœurs dans ce village où tous se
connaissaient. Il y avait une grande harmonie entre tous les
habitants. Lors de cérémonies religieuses tous se retrouvaient au
temple au sommet de la montagne d’où ils pouvaient admirer
l’horizon ou la mer de nuages quand les brumes glissaient vers les
plaines.
Kumiko devint une jolie jeune fille,
ses grands parents rejoignirent les cieux, ses parents prirent des
rides, ses frères et sœurs peu à peu partirent vers Kyoto pour
créer de nouvelles familles.
Kumiko resta seule avec ses vieux
parents, elle ne voulait pas les laisser pour l’automne de leurs
vies. Ces journées étaient rythmées par le travail à la maison,
les repas, la cérémonie du thé, les travaux de broderie. Elle
était la seule jeune fille au village.
Elle s’accordait des moments de
promenade en allant vers le lac Siushu en passant par le pont en bois
puis elle longeait le lac, elle admirait les nénuphars aux couleurs
jaune et blanche, les lotus roses avec le grandes feuilles qui
semblaient de grandes assiettes sur lesquelles d’agiles grenouilles
se postaient pour happer des insectes. Des carpes multicolores
avaient en ce lac trouver leur eden, et là, dans cette nature
paisible Kumiko se rêvait un avenir ailleurs.
Un jour, elle entendit un bruit de
sabots d’un cheval qui allait à vive allure. Sur le chemin passa
au galop le cheval avec son cavalier de belle prestance. Ils ne la
virent pas car elle était dissimulée par des roseaux. Kumiko s’en
retourna précipitamment au village dans l’espoir d’une visite de
ce cavalier chez ses parents. Las, le cavalier s’est arrêté dans
une autre famille. Elle sut par la suite que c’était le petit-fils
du voisin Kiesho. Elle sut aussi qu’il avait promis à ses
grands-parents de revenir pour le temps des cerisiers en fleurs.
Kumiko se mit à compter les semaines,
les jours qui la séparait du temps des cerisiers en fleurs. Elle
savait que, traditionnellement, les familles se retrouvaient chaque
année pour pique-niquer sous les branches fleuries de ces arbres
vénérés. Elle espérait qu’il serait là.
Avril était enfin arrivé, les
cerisiers aux branches entrelacées faisaient des tunnels blancs et
roses, les effluves apportaient la plénitude à ceux qui s’y
promenaient, la nature s’était parée de ses plus beaux atours. Ce
jour là, Kumiko revêtit un kimono de soie blanc brodé, du plus bel
effet avec sa longue chevelure noire ondulant sur ses épaules. Ses
espoirs étaient grands à l’idée de revoir le cavalier,
petit-fils de Kiesho.
La journée fut longue, tous étaient
empreints de sérénité sauf Kumiko qui était là-bas allongée, à
l’écart, sur l’herbe et espérait au milieu de cette immense
cerisaie. Des grues blanches étaient au rendez-vous et planaient au
dessus de cette mer de fleurs.
Soudain elles agitèrent leurs ailes,
elles étaient effrayées, elle craquetaient et s’agitaient de plus
en plus et dans tous les sens, puis l’on entendit au loin un galop
qui soulevait un énorme nuage de poussière ocre. Tout un groupe de
cavaliers élégamment vêtus s’approchait vers la colline aux
cerisiers. Tout le monde se leva et courut vers les chevaux qui
stoppèrent à la vue des villageois. Seule Kumiko resta allongée
sur l’herbe, seule attendant que son cavalier vienne la chercher.
Il y avait beaucoup d’agitation dans la cerisaie. Tous ces
mouvements subits déclenchèrent un puissant courant d’air. Les
chevaux se cabrèrent, hennirent, après tant d’effort, un souffle
violent sortit de leurs narines. Les battements d’ailes des grues
ajoutèrent encore plus de force à ce déplacement d’air qui
devint un vent qui affola les arbres, secoua violemment les branches
puis devint une tempête qui ébouriffa les cerisiers dont tous les
pétales de fleurs s’envolèrent et couvrirent le sol de leur
blancheur rosée tel un tapis de soie.
Kumiko se retrouva couverte de pétales
comme neige, on ne la voyait plus sous ce voile de fleurs. Parmi les
cavaliers, y avait-il Keisho ?
Là, sous les fleurs, il ne la verra
pas, comment pourrait-il la chercher, il ignorait son
existence ?…………..
Cette idée la fit sursauter, elle se
leva et courut vers les chevaux et à nouveau elle redonna force à
la tempête qui fit s’envoler encore plus de pétales de fleurs
tourbillonnants qui devinrent un nuage épais empêchant les
cavaliers de l’apercevoir. Elle courut à toutes enjambées mais
la cerisaie était immense et les chevaux lui semblaient toujours
plus loin.
Les cavaliers après échanges de
courtoisie avec les villageois reprirent leur chemin pour se rendre
au temple. Ils partirent avant qu’elle n’ait pu les atteindre.
Elle ne posa pas de question et ne sut
jamais si Keisho avait tenu sa promesse de revenir pour Sakura car en
semant le vent elle avait récolter une tempête de pétales des les
cerisiers en fleurs……..
(Chagall )
LE PEUPLE DE MIMOU par Corrine Merchet.
Il y a fort longtemps, le peuple de Mimou vivait dans un lieu magique, appelé la Forêt des Vosges, où ne poussaient que des sapins vert Pompadour, vert anis, vert lierre, vert chlorophylle ou encore vert british.
Dans cette étrange contrée, on ne croisait jamais d’animaux puisqu’il n’en existait point jusqu’au jour où la princesse de Mimou en décida autrement. Grâce aux pouvoirs que son parrain et sa marraine, le soleil et la lune, lui avaient transmis à sa naissance, elle façonna un oiseau visible que la nuit, lui donna la vie et l’appela « oiseau de mimounuit ». Elle voulait découvrir d’autres lieux magiques et cet oiseau devait la guider toutes les nuits durant.
Elle annonça à son peuple qu’elle devait s’absenter durant de longues semaines pour rendre visite à une amie lointaine. Elle partit avec l’oiseau caché dans un panier rempli de présents ; présents qui étaient en fait destinés aux princesses qu’elle pensait rencontrer lors de son voyage.
La princesse de Mimou et son oiseau traversèrent une forêt avec des arbres jaunes orangés qui dansaient, un champ où des papillons multicolores virevoltaient avec nonchalance. Ils grimpèrent aussi au sommet d’une colline d’où elle put toucher les nuages doux comme du coton et enfin ils longèrent une rivière sur laquelle roulaient des poissons bulle.
La princesse croyait que son peuple était seul au monde lorsqu’au détour d’un chemin, elle découvrit un nombre incalculable de maisonnettes en pierres bleues entourées d’oliviers tarabiscotés. La princesse et l’oiseau de mimounuit contemplaient cet étonnant village lorsque quelqu’un les interpella. Quel ne fut pas leur surprise de découvrir un fantôme qui parlait parfaitement bien leur langue et qui était accompagné de toutes sortes d’animaux.
Il leur expliqua que bien avant la naissance de la princesse, il avait combattu un esprit maléfique qui régnait et semait la terreur sur le peuple de Mimou. Lors d’un ultime combat, l’esprit l’avait alors transformé en fantôme et l’avait contraint à quitter la forêt des Vosges. Il eut la chance de rencontrer quelques lutins bleus qui rentraient chez eux et qui lui offrirent l’hospitalité dans l’une de leurs maisonnettes bleues. Grâce au dieu des lutins, il savait qu’une princesse du peuple de Mimou viendrait un jour et lui redonnerait sa véritable apparence.
La princesse utilisa alors ses pouvoirs magiques et le fantôme se changea en jeune homme. Pour la remercier, il demanda au dieu des lutins qu’elle puisse repartir avec une arche de Noé afin que le peuple de Mimou puisse enfin découvrir les animaux. Il savait depuis longtemps qu’il manquait quelque chose à son peuple pour être pleinement heureux. Depuis qu’il vivait avec les lutins et qu’il s’occupait des animaux, il avait changé et était devenu insouciant. La princesse accepta et invita le jeune homme et tous les lutins à venir partager un repas. Tous étaient ravis de cette perspective et la princesse repartit heureuse d’avoir rencontré un autre peuple. Durant le chemin du retour, elle apprit à connaitre tous les animaux et savait que les habitants de Mimou seraient fiers d’elle.
Messire Galet part en voyage par Brigitte Martinez
Dans un pays montagneux, il y avait sur
une grande plage de galets dans le méandre d’une rivière. L’un
d’entre eux était un énorme galet de granit moucheté de blanc,
de noir et de gris qui se trouvait là depuis fort longtemps en
compagnie de roseaux, de plantes rampantes, de grenouilles, de
mouches, de guêpes. Les branches tombantes d’un saule majestueux
le frôlaient dès qu’un léger souffle de vent le caressait. Alors
que ce galet somnolait au soleil, une libellule vint se poser
délicatement. Elle était si légère qu’il ne la sentit pas, seul
le bruissement léger de ces ailes le sortit de sa torpeur. Il
sursauta à la vue de cette créature si gracile et légère.
- Mais que fais-tu sur moi, tu m’as réveillé ?
La libellule cherchait d’où venait
cette voix un peu caverneuse. Quelle ne fut pas sa surprise
lorsqu’elle découvrit que c’était le caillou sur lequel elle
s’était posée qui l’interpellait.
- Ça alors, je ne savais pas qu’une pierre pouvait parler….
- Et oui, je peux parler, mais avec qui ? Il y a longtemps que je voudrais discuter avec mes voisins sur cette rive, mais ils sont tous là à blaguer entre eux et ne me voient pas. Je vois les branches du saule qui s’amusent, elles tournent, s’enroulent, se déroulent. Les fougères se balancent sur leurs longues tiges, les monnaies du pape secouent leurs têtes quand elles papotent entre elles, je les vois tous qui discutent entre eux, et tous m’ignorent.
- Pourquoi ne les appelles-tu pas avec ta grosse voix ?
- Je les appelle, mais ils ne m’entendent pas…… Je crois que la rivière couvre le bruit de ma voix car elle ne veut pas que je parte de cette plage. Tu sais, quand je vois les graines de pissenlit qui s’envolent je voudrais les accompagner dans leur voyage, je voudrais tant découvrir le monde.
- Mais, pourquoi quand la rivière gonfle tu ne pars pas en voyage dans les flots, il y a tellement de brouhaha que personne ne te verrait partir. Pourquoi restes-tu toujours là ? Mais, peut-être que tu ne peux pas partir parce que tu as de grandes racines…..
- Je voudrais bien rouler, mais je suis trop lourd, même le courant n’arrive pas à me déplacer. Quand il y a des inondations, je prends des coups, des branches pleines de feuilles me giflent, des troncs d’arbre me cognent violemment sans même s’excuser…..
- Un jour un pêcheur m’a pris pour un fauteuil et s’est assis lourdement sur mes épaules. Il ne s’est même pas rendu compte que je ne pouvais plus respirer que j’étouffais. Il m’a fallu supporter son poids jusqu’à ce qu’il ait capturé suffisamment de goujons pour son souper.
La libellule se mit à survoler le
galet et tournoyer autour de lui en cherchant des solutions pour
l’aider à se déplacer. Elle s’éloigna pour aller consulter ses
confrères et consœurs, voir les mouches, les taons, les bourdons,
les papillons, tous ces petits êtres ailés qui pourraient lui
apporter une solution pour faire voyager ce si triste galet.
Les voilà, tous encerclant le
phénomène. Des ailes vrombissaient de tous les côtés. Il en était
tout affolé. Lui que personne ne remarquait se retrouva soudain au
centre de toutes les conversations. Les mouches proposèrent de
souffler tous dans le même sens….., les papillons pensèrent
emprunter les fils de la grosse araignée voisine pour l’envelopper
et le tirer de toutes leurs ailes…. Les bourdons voudraient enrôler
une armée de fourmis pour creuser au pied de ce colosse et ainsi
pouvoir le faire rouler…. Les taons se proposèrent de le piquer de
toute part pour le faire réagir et pensaient qu’ainsi il pourrait
se mouvoir……
Las, toutes les idées se heurtèrent à
la masse imposante de ce géant. Ne voulant pas s’avouer vaincue,
la libellule convoqua tous les insectes et leur proposa une idée qui
venait de lui trotter dans tête.
- Puisque notre ami ne peut pas aller découvrir le monde autour de lui, pourquoi ne lui raconterions nous pas nos voyages. Nous lui décririons les plaines, les forêts, les prés, les rivières, les fleurs. Nous pourrions aussi lui parler de nos rencontres avec les animaux, avec les hommes, les visites des villages, des villes, et les nuages, les étoiles.
- Moi, je lui raconterai les villes le soir et les lumières des réverbères que j’adore dit un papillon de nuit
- Moi, je lui ferai goûter le miel que nous fabriquons avec le pollen que je butine propose une abeille
- Moi, je lui ferai sentir l’odeur des charognes que je picore dans les bois dit une mouche bleue
- Moi, je lui chanterai la musique des nuits d’été s’écrie un grillon
- Moi, je lui ferai goûter le sucre que je piétine dans les cuisines où je m’invite dit une petite mouche noire
- Moi, je lui apporterai du sang que je sucerai sur les flancs d’un cheval ajoute un moustique
- Moi, je lui tisserai une toile qui lui donnera des caresses dit une araignée qui ne voulait pas être en reste même si elle n’est pas ailée, après tout elle est souvent dans les airs elle aussi.
- Moi, je lui parlerai des couleurs, de l’or et de la lumière lance la cétoine
- Moi, je crèverai les gouttes de rosée avec mon dard pour lui faire gouter l’eau dit la guêpe
- Et moi, et moi dit la coccinelle je voudrais bien participer aux découvertes du galet, qu’est ce que je peux faire ?
- Avec tes points noirs, tu n’as qu’à lui apprendre à compter lui répond le scarabée.
- Eh bien dit
la libellule, je vois que vous avez tous de bonnes idées, grâce à
vous notre caillou ne se sentira plus seul et ne sera plus jamais
triste. Pendant que vous voyagerez au loin, je resterai en sa
compagnie, je lui décrirai ce que je vois là si près de lui, en
voletant au dessus de la rivière. Vous à votre retour, vous le
ferez rêver….
Et c’est ainsi
que notre voyageur immobile découvrit le monde, il y avait tant
d’insectes qui chaque jour lui parlaient de toute cette vie
bouillonnante qu’il en savait plus que tout autre être sur cette
terre et avec toutes ces connaissances amassées il se mit à se
raconter des voyages imaginaires et ne chercha plus quitter la berge
de sa rivière.
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