Le 9 février 1977, Stockholm
Eva, mon amour,
C’est fini. D’une façon ou d’une autre,
tout a une fin. Tout se termine un jour ou l’autre. C’est peut-être
l’une des vérités les plus fascinantes que nous connaissions à propos de
l’univers tout entier. Les étoiles meurent, les galaxies meurent, les
planètes meurent. Et les gens meurent aussi. Je n’ai jamais été croyant,
mais le jour où j’ai commencé à m’intéresser à l’astronomie, je pense
que j’ai abandonné ce qui restait de ma peur de la mort. J’avais compris
que, comparé à l’univers, un être humain, un seul être humain, moi… est
infiniment petit. Enfin, je n’écris pas cette lettre pour donner une
profonde leçon de philosophie ou de religion. Je l’écris pour te dire
« adieu ». Je viens de raccrocher le téléphone où je te parlais. Je peux
toujours entendre le son de ta voix. Je t’imagine, devant mes yeux… une
belle image, un ravissant souvenir que je garderai jusqu’à la fin. A ce
moment précis, en lisant ma lettre, tu sais que je suis mort.
Je veux que tu saches certaines choses.
Comme je m’en vais pour l’Afrique, je sais ce qui m’attend. J’ai même le
sentiment que ce voyage pourrait bien me tuer, mais c’est quelque chose
que je dois faire, malgré tout. Je ne suis pas né pour rester assis sur
un accoudoir. Je ne suis pas comme ça. Correction : je n’étais pas
comme ça… Je ne vais pas en Afrique seulement en tant que journaliste,
j’y vais surtout dans un but politique, et c’est pourquoi je pense que
ce voyage pourrait causer ma mort.
C’est la première fois que je t’écris en
sachant exactement quoi dire : je t’aime, je t’aime, je t’aime, je
t’aime. Je veux que tu le saches. Je veux que tu saches que je t’aime
plus que je n’ai jamais aimé personne. Je veux que tu saches que je dis
ça très sérieusement. Je veux que tu te souviennes de moi mais que tu ne
me pleures pas. Si je suis vraiment important pour toi, et je sais que
je le suis, tu souffriras probablement en apprenant que je suis mort.
Mais si je suis vraiment important pour toi, ne souffre pas, je ne veux
pas que tu souffres. Ne m’oublie pas, mais continue à vivre. Vis ta vie.
Le temps atténuera la douleur, même si c’est dur de l’imaginer
maintenant. Vis en paix, mon plus cher amour ; vis, aime, hais, et
continue le combat…
J’avais beaucoup de défauts, je sais,
mais aussi quelques bonnes qualités également, je l’espère. Mais toi,
Eva, tu m’inspires tellement d’amour que je n’ai jamais été capable de
te l’exprimer…
Redresse-toi, carre tes épaules, tiens
ta tête haute. D’accord ? Prends soin de toi, Eva. Va prendre une tasse
de café. C’est fini. Merci pour les moments magnifiques passés ensemble.
Tu m’as rendu très heureux. Adieu [en français dans le texte].
Je te dis au-revoir Eva, je t’embrasse
De Stieg, avec mon amour.
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