samedi 19 décembre 2020

De la nature des choses.Lucrèce.

 


 

De la nature des choses ;Lucrèce

 

Je parcours le pays sans chemin des Piérides,
Où nul n'avait mis pied. J'aime à venir puiser
Aux sources vierges, j'aime à cueillir des fleurs neuves
Et briguer pour ma tête une insigne couronne,
Dont les Muses n'ont ceint les tempes de personne.
Car d'abord, mon sujet est grand, et je délivre
L'esprit des nœuds étroits de la religion.
Ensuite sur l'obscur, je répands la clarté
De mes vers, tout empreints de la grâce des Muses.

Cela non plus n'est pas dépourvu de raison :
Pour donner aux enfants l'absinthe qui répugne,
D'abord les médecins, tout autour de la coupe,
En imprègnent les bords de miel doux et doré ;
Cet âge imprévoyant est joué jusqu'aux lèvres,
Le temps de boire jusqu'au bout le suc amer
De l'absinthe. Ils sont pris, mais non pas pris au piège :
C'est plutôt par ce biais qu'ils recouvrent leurs forces.
Et moi dont la raison souvent semble trop âpre
Aux auditeurs nouveaux, et répugne au vulgaire
Qui s'en détourne, j'ai voulu te l'exposer
Avec le doux-parler du chant piéridien,
Et comme en l'imprégnant de doux miel muséen :
Puissé-je retenir ton esprit dans mes vers,
Le temps de percevoir la nature des choses
Tout entière et d'en pressentir l'utilité.

 

 

 

 

                                                    Photo:Roselyne Cusset



1 commentaire:

  1. J'adore ! J'ai écrit autre chose que j'ai effacé .Je reste enfermé .

    RépondreSupprimer