lundi 25 janvier 2016

Le sablier d'or (extrait du livre les Archipels du silence).






Le sablier d'or


   Les îles  poudroient des scintillements d'étoiles dont le ciel inversé se projette dans la mer en ondes incandescentes. Elles écument la rage des volcans, les tempêtes inassouvies, les tsunamis gigantesques qui nous transforment en fourmis apeurées devant la fureur des éléments.
   Les îles, à l'image d'un « val sans retour » pour bagnards et exilés, ou pour Robinson volontaire, continuent leur respiration sublime en un rythme incessant que rien ne saurait arrêter.
   Alors, de leur souffle, en un vacarme irréfragable, surgit le silence, où la servitude et l'isolement cèdent le pas à la solitude qui embrase et embrasse la totalité de l'être.
   Les montagnes, gardiennes du lieu, génèrent des refuges inexpugnables, propres au chaos primordial. La préhistoire n'est pas loin, mais l'écume des jours et des nuits, efface l'histoire sans laisser de traces , et le temps est suspendu.
   Les torrents lavent les scories, et des vasques couleur émeraude, attendent qui voudra bien s'y baigner. Le calme apparent abrite une vie grouillante au fond et en surface. M'en sont témoins les libellules fluorescentes qui finissent par accepter notre présence au milieu des aulnes nains et des fleurs d'arnica qui ont choisi de rayonner sous l'aérosol des cascades. Les blancs rochers immémoriaux polis par l 'érosion de l'eau et du vent, nous offrent des toboggans naturels, auxquels il est bien difficile de résister. Des roches multicolores tapissent le fond, suscitant une macédoine scintillante et moirée, où les perles à côté paraissent bien fades.
   Les gigantesques blocs de granit aux figures anthropomorphes, veilleurs immémoriaux, assureront leur vigilance impavide et intemporelle quand nous ne serons plus. Et pourtant, ces grands indifférents dispensent gratuitement leur beauté à celui ou à celle qui saura les voir.
   Les îles respireront toujours à leur rythme, et le tam-tam du ressac enverra des messages inédits aux oreilles en forme de conque marine qui les propageront en écho. Alors, les étoiles de mer s'étendront les bras en croix comme l’homme de Vitruve. Elles répercuteront dans la nuit étoilée leur scintillement et la voie lactée disséminera une couleur aurifère.
   Une île n'est jamais déserte Elle propage peut-être en un ailleurs lointain la station verticale dont seules les montagnes réussissent à en suggérer l'apothéose, et dont une polyphonie lointaine répercute les échos en une subtile et infinie correspondance.
   Les vagues perlent des écumes blanches et irisées qui chaque jour psalmodient le renouveau. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, et sourd pour ne pas l'entendre. Et pourtant la sauvagerie des lieux dépasse l'entendement, mais elle n'est rien face à la barbarie des hommes.


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