mardi 23 avril 2013

Le symbolisme de la forêt

Le symbolisme de la forêt et des arbres
dans le folklore

J. Crews
Judith Crews est spécialiste en littérature et langues comparatives et travaille actuellement à la FAO en qualité de consultante.
Les valeurs symboliques que des siècles d’existence humaine ont attribuées aux arbres et aux forêts restent dans le langage, les légendes et la culture.
En raison peut-être de leur grande taille et de leur longévité, les arbres et les forêts ont affecté vivement l’imagination des sociétés préhistoriques. Ils étaient vivants comme les êtres humains et les animaux, mais ne se déplaçaient pas; comme les montagnes et les pierres, ils paraissaient immobiles mais, en même temps, pouvaient changer et se balancer. Les forêts denses paraissaient pleines de mystères. Même des arbres isolés, en particulier dans un lieu aride, pouvaient sembler miraculeux s’ils fournissaient des aliments au vagabond affamé. Les premiers hommes voyaient et touchaient les arbres; ils en tiraient des aliments, du combustible, des abris, des vêtements, des clôtures, des haies et des barrières, des lances et des couteaux; et ils brûlaient le bois, le coupaient et le transformaient en de nombreux objets. Grâce à leur ombre, les arbres assuraient une couverture, un camouflage et des cachettes aux hommes des deux côtés de la loi. Au fil du temps, aux forêts et aux essences individuelles ont été attribués différents concepts dans l’imagination des populations vivant dans divers lieux géographiques. L’abondance des arbres, ou leur rareté dans un endroit donné, influençait la façon dont on les percevait et leur place dans les légendes, les mythologies et les cultures.
Le présent article porte sur certaines significations symboliques acquises par les arbres et les forêts à travers des siècles d’existence humaine. Il se veut une exploration générale d’un vaste thème, qu’il ne fait qu’effleurer, et ne se propose pas d’être une étude exhaustive au plan historique ou géographique.


LES FORÊTS, LES ARBRES ET LA DIVINITÉ

Il est estimé que les arbres frappés par la foudre et consumés par le feu qui en résulte, observés par les sociétés préhistoriques, pourraient avoir fait naître l’idée que les divinités habitaient non seulement les cieux mais aussi la terre (Brosse, 1989; Harrison, 1992). On raconte que pour les anciennes civilisations méditerranéennes, les premiers défrichements de forêts étaient des «actes religieux», car les populations primitives avaient besoin de voir plus clairement le ciel afin d’y lire les messages divins envoyés aux hommes par un «au-delà» abstrait identifié avec le ciel (Harrison, 1992). C’est ainsi que la coupe des arbres pourrait n’avoir pas seulement permis d’aménager des clairières pour les établissements humains et l’agriculture; elle pourrait aussi avoir été jugée un geste nécessaire pour que les hommes connaissent leurs dieux. Avec l’expansion de la culture grecque, de l’Empire romain et le retour à la pensée grecque pendant la Renaissance, un lien entre les arbres et leur «ombre» spirituelle et intellectuelle d’une part et, de l’autre, leur abattage et la «lumière» pourrait s’être créé dans l’inconscient collectif à travers toute l’Europe.
Les forêts décidues et leurs cycles saisonniers de chute et de croissance des feuilles, ou la naissance de nouveaux bourgeons de la souche de troncs brûlés ou coupés, ont peut-être incité les populations à considérer les arbres comme des symboles d’une force de vie éternelle et indestructible.
Les arbres et les forêts ont donc assumé des caractéristiques symboliques divines, ou étaient perçus comme représentant des forces superlatives comme le courage, l’endurance ou l’immortalité. Ils étaient les moyens de communication entre les mondes. Certaines sociétés en ont fait des totems magiques. Parfois un arbre particulier devenait sacré en raison de son association avec un saint ou un prophète. Les arbres ont souvent eu un profond sens religieux, tel l’arbre sous lequel le Bouddha a reçu l’Eveil et l’arbre utilisé pour la crucifixion de Jésus. De ce fait, ils étaient souvent présents dans les rituels religieux et le sont encore aujourd’hui. Parmi les exemples, figurent les arbres aux branches desquels on pend des prières ou des offrandes dans de nombreuses cultures, et le sapin de Noël, une coutume dont la forme actuelle est née en Europe au XIXe siècle.
Dans le shintoïsme du Japon, qui sanctifie la nature, le sakaki (Cleyera japonica) est particulièrement sacré. Cet arbre jouait un rôle important dans l’histoire de la création du Japon; les dieux avaient déraciné un arbre de sakaki de 500 branches du mont divin Kaga; sur ses branches supérieures ils avaient pendu des fils de huit pieds portant 500 bijoux, sur ses branches moyennes un miroir de huit pieds de long et sur ses branches les plus basses des offrandes blanches et bleues. La déesse Amaterasu ayant vue son image reflétée dans le miroir qui pendait du sakaki a été attirée hors de sa cave, restituant la lumière au ciel et à la terre. Aujourd’hui, pour imiter le mythe, on suspend des miroirs aux arbres de sakaki près des lieux saints shintoïstes. Le sakaki est représenté comme le poteau central sacré de l’autel d’Amaterasu (Wehner, 2002).
La tradition du bois sacré, souvent associée au secret et aux rites d’initiation, était répandue dans de nombreuses cultures. On considérait des groupes d’arbres, ou des portions de forêt naturelle ou artificielle, comme séparés des autres et intouchables. Un grand nombre de ces bois ont gardé leur importance à ce jour: la Liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comprend plusieurs bois et forêts considérés comme sacrés ou saints pour leur valeur tant spirituelle qu’écologique. Parmi les exemples, figurent les réserves de forêt ombrophile du centre du Queensland oriental en Australie, que les aborigènes estiment sacrés pour certains de leurs aspects géographiques; la Horsh Arz-el-Rab (Forêt des cèdres de Dieu) du Liban (voir l’encadré p. 50); les forêts du mont Kenya au Kenya, considérées comme saintes par les habitants; et un bois sacré encore utilisé par les prêtres lors des cérémonies du riz qui se déroulent sur les terrasses de montagne plantées en riz à Luzon aux Philippines.
Les arbres et les rites de fertilité
  • Parmi certaines tribus nomades du Proche-Orient (République islamique d’Iran, par exemple), pour stimuler la conception, les jeunes femmes se font parfois tatouer l’image d’un arbre sur le ventre.
  • En Inde, les femmes suspendent des mouchoirs rouges aux branches de certains arbres situés près de puits pour conjurer la stérilité.
  • Des «mariages» symboliques entre les humains et les arbres (la personne pose sa main sur le tronc de l’arbre pendant un certain temps, normalement quelques heures) ont été enregistrés au Punjab et dans l’Himalaya en Inde, parmi les indiens Sioux d’Amérique du Nord et chez des tribus subsahariennes africaines.
  • Dans le sud de l’Inde, les couples stériles plantent souvent côte à côte un arbre mâle et un arbre femelle dans l’espoir que ce geste propitiatoire produira la naissance d’un enfant.
  • La fréquence avec laquelle les arbres pères et les arbres mères se rencontrent dans les légendes et les contes populaires a pu donner naissance au concept de l’arbre ancêtre, qui, à travers l’histoire, est devenu l’arbre généalogique (Chevalier et Gheerbrant, 1982).

Dans l’un des mythes grecs de transformation les mieux connus, Daphné se transforme en laurier pour échapper aux poursuites d’Apollon – comme l’illustre Pollaiolo dans ce tableau du XVe siècle

Dans la mythologie de l’ancienne Egypte, les dieux s’asseyaient sur un sycomore, Ficus sycomorus, et deux sycomores jumeaux se tenaient devant le portail oriental du ciel


IDENTIFICATION HUMAINE ET FORME ABSTRAITE

En raison de leur forme – un tronc central et des branches qui ressemblent à des bras et des doigts, une écorce semblable à la peau – les arbres s’identifient facilement à la forme humaine, et ont souvent été revêtus symboliquement de caractéristiques anthropomorphiques, conduisant à un lien avec les symboles de la fertilité dans certaines cultures. On lit dans le Cantique des cantiques de la Bible, à propos de la femme bien-aimée: «Ta taille ressemble au palmier et tes seins à des grappes» (7:8-9), et elle répond «Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. J’ai désiré m’asseoir à son ombre, et son fruit est doux à mon palais» (2:3).
Dans plusieurs mythes grecs, les jeunes filles ou les nymphes poursuivies par les dieux suppliaient d’autres divinités de les protéger et celles-ci les changeaient en arbre. Daphné a été sauvée d’Apollon de cette manière; elle a été transformée en laurier, qu’Apollon a ensuite utilisé comme son symbole, décorant sa lyre de feuilles de laurier et les utilisant comme une couronne. Parmi les autres nymphes des bois dans les mythes grecs et romains on peut citer Leuke ou Leuce, un peuplier blanc, aimé d’Hadès; Philyra, le tilleul, qui a donné naissance à un Centaure et désirait se transformer en une forme autre qu’humaine, et Pitys, une nymphe chaste poursuivie par le dieu Pan, qui a été changée en sapin ou pin noir. L’histoire de Baucis et Philémon est un autre intéressant mythe de transformation en arbre. Ce mari et cette femme pauvres étaient les seules personnes de leur village à offrir l’hospitalité à deux dieux qui visitaient la terre déguisés en mendiants; comme récompense, ils n’ont pas seulement été inondés de richesses mais il leur a été assurée une vie dans l’au-delà ensemble sous la forme d’un tilleul et d’un chêne issus de la même racine.
L’identification des arbres avec le corps humain se retrouve aussi dans le yoga, le système hindou de méditation. Dans la pose de l’arbre, par exemple, le corps perd de son poids pour créer le sens de l’attraction vers la terre, alors que les bras sont étendus simulant des branches. Cette pose a pour but d’instiller une sensation d’enracinement et de croissance vers le haut.
La plupart de ces mythes et pratiques indiquent une identification profonde avec les arbres comme réceptacles des esprits et des âmes, une croyance commune à un grand nombre de cultures. En Australie, les aborigènes du Warlpiri occidental croient que les âmes s’accumulent dans les arbres et attendent le passage de la femme adaptée pour leur permettre de sauter dehors et d’être nées (Warnayaka Art Centre, 2001).
Les arbres de haute taille et résistants ont souvent été identifiés avec des hommes courageux ou justes; on en trouve de nombreux exemples dans la Bible et le Coran. Un exemple actuel est la prime de service octroyée en Afrique du Sud, à savoir l’Ordre du Baobab. Le grand baobab, avec son puissant système racinaire en saillie, détient un pouvoir magique et a une valeur symbolique pour les populations africaines autochtones, et sert de lieu de réunion et d’abri sûr pour les sociétés africaines traditionnelles. La prime reconnaît les qualités de vitalité et d’endurance que l’arbre incarne (J. Tieguhong, communication personnelle, 2003).
En outre, nombreux sont les objets, concepts abstraits ou actions qui rappellent la structure (ramification, axe central) ou la stature de l’arbre. C’est ainsi que, dans de nombreuses langues, il est utilisé comme métaphore (arbre généalogique, tronc cérébral, branches de la science, etc.). Il pourrait être à l’origine de la notion de systèmes (circulation, interconnexion, hiérarchie) (Harrison, 1992) – un bon exemple est «l’arbre des veines» inventé par Leonardo da Vinci au XV e siècle pour expliquer la circulation sanguine humaine. On pourrait dire que les arbres ont fourni des structures à la pensée elle-même.
Le grand baobab, avec son puissant système racinaire en saillie, a une valeur magique et symbolique en Afrique
DÉPARTEMENT DES FORÊTS DE LA FAO/FO-0966/S.BRAATZ


L’ARBRE DE VIE (OU L’ARBRE COSMIQUE)

L’arbre de vie est un motif très répandu dans de nombreux mythes et contes populaires dans le monde entier, et grâce auquel les cultures ont cherché à comprendre la condition humaine et profane relativement au royaume divin et sacré. De nombreuses légendes parlent de l’arbre de vie, qui pousse au-dessus du sol et donne la vie aux dieux et aux hommes, ou d’un arbre cosmique, qui est souvent lié au «centre» de la terre. C’est probablement le mythe humain le plus ancien, et peut-être un mythe universel.
Dans la mythologie de l’Egypte ancienne, les dieux s’asseyaient sur un sycomore, Ficus sycomorus, dont il était estimé que les fruits nourrissaient les bénis. D’après le Livre des morts égyptien, deux sycomores jumeaux se tenaient devant le portail oriental du ciel d’où le dieu soleil, Râ, émergeait tous les matins. Cet arbre étaient aussi considéré comme une manifestation des déesses Nut, Isis et surtout Hathor, la «Dame du sycomore». Ficus sycomorus était souvent planté près des tombes et la sépulture dans un cercueil fait du bois de cet arbre retournait, croyait-on, le mort au sein de la déesse de l’arbre mère.
Il était estimé que l’arbre de vie était le centre du monde. On croyait qu’il reliait le ciel et la terre, représentant une connexion vitale entre les mondes des dieux et des humains. Les oracles, les jugements et d’autres activités prophétiques s’accomplissaient à son pied. Dans certaines traditions, l’arbre était planté au centre du monde et représentait la source de la fertilité et de la vie terrestres. La vie humaine, selon les croyances, en était issue; son fruit conférait la vie éternelle; et si on l’abattait, toute fécondité disparaissait. L’arbre de vie se retrouve fréquemment dans des romans d’amour où le héros le cherche et doit surmonter une série d’obstacles sur son chemin.
L’arbre de la vie de la Kabbale (le courant ésotérique et mystique du judaïsme) avait 10 branches, le Sephiroth, représentant les 10 attributs ou émanations grâce auxquels l’infini et le divin étaient en relation avec le fini. Le chandelier à branches appelé ménorah, l’un des symboles les plus anciens du judaïsme, avait des liens avec l’arbre de vie. La forme de la ménorah, selon la Bible, avait été dictée à Moïse par Dieu (Exode 25:31-37); il devait avoir six branches, avec des calices en forme d’amandes avec pommes et fleurs. Dans les Proverbes 3:18, il est dit que la sagesse est «un arbre de vie pour ceux qui le saisissent».
L’arbre cosmique, est une autre forme de l’arbre de vie. Il y a avait un arbre cosmique dans le jardin d’Eden du livre de la Genèse, et cette tradition est commune au judaïsme, au christianisme et à l’islam. Les mythes d’arbres cosmiques se retrouvent dans le folklore haïtien, finnois, lituanien, hongrois, indien, chinois, japonais, sibérien et chamanistique de l’Asie du Nord. Les populations anciennes, notamment hindoues et scandinaves, voyaient le monde comme un arbre divin naissant d’une seule semence semée dans l’espace; parfois il était renversé (Hall, 1999). Les légendes des anciens Grecs, Persans, Chaldéens et Japonais décrivaient l’arbre-axe autour duquel tourne la terre. Les disciples de la Kabbale du Moyen Age représentaient la création comme un arbre dont les racines plongeaient dans la réalité de l’esprit (le ciel) et les branches touchaient la terre (réalité matérielle). L’image de l’arbre renversé se retrouve aussi dans les positions inversées du yoga, où les pieds étaient les réceptacles de la lumière solaire et d’autres énergies «divines» qui devaient être transformées comme l’arbre transforme la lumière en d’autres énergies dans la photosynthèse (de Souzenelle, 1991).
Cependant, en règle générale, on pensait que les racines de l’arbre cosmique se situaient dans le monde souterrain et ses branches dans l’empyrée. Il était aussi considéré à la fois comme naturel et surnaturel, autrement dit, il appartenait à la terre sans toutefois en faire partie. Le contact avec cet arbre, ou la permanence dans l’arbre, assurait en général la régénération ou la renaissance pour un individu. Dans de nombreuses épopées, le héros mourait sur un tel arbre et était régénéré. Il était aussi estimé que l’arbre cosmique racontait l’histoire des ancêtres, et reconnaître l’arbre voulait dire reconnaître sa place comme être vivant. Le bois de cet arbre était considéré fréquemment comme une matière universelle. En grec, le mot hylé désigne aussi bien le «bois» que la «matière» et la «première substance» (Pochoy, 2001).
Dans la mythologie norvégienne, Yggdrasil («Le cheval du terrible»), appelé aussi l’arbre cosmique, était un frêne géant qui reliait et abritait tous les mondes. Sous ses trois racines se trouvaient les royaumes d’Asgard, de Jotunheim et de Niflheim. On disait que trois puits gisaient à son pied: le puits de la sagesse (Mímisbrunnr), gardé par Mimir; le puits du destin (Urdarbrunnr), gardé par les Norns; et la Hvergelmir (Bouilloire ronflante), la source de nombreuses rivières. Quatre cerfs, représentant les quatre vents, couraient, disait-on, le long des branches et mangeaient les bourgeons. Parmi les autres habitants de l’arbre il y avait l’écureuil Ratatosk («dents rapides»), notoire pour ses potins, et Vidofnir («le serpent de l’arbre»), le coq doré perché sur la branche la plus haute. On disait que les racines étaient rongées par Nidhogg et d’autres serpents. D’après la légende, le jour de Ragnarok, le géant du feu Surt aurait incendié l’arbre. Les autres noms d’Yggdrasil comprennent le bois d’Hoddmimir, Laerad et le cheval d’Odin.
Les mythes norvégiens racontent qu’Yggdrasil est l’arbre où le dieu Odin a été sacrifié, est mort et a été pendu. Régénéré, il est ressuscité aveugle, mais a reçu des dieux le don de la vue divine.
Dans le mythe d’Yggdrasil, le frêne pourrait avoir représenté le symbole de l’axe du monde en raison de la résistance particulière et de la grande souplesse de son bois qui se plie avant de se briser. Certaines sociétés précédentes à l’âge du bronze fabriquaient leurs ustensiles et leurs armes avec des rameaux de frêne durcies par le feu. Dans l’Iliade, le poème épique d’Homère qui narre la guerre du XIIe ou XIIIe siècle environ avant J.-C. entre la ville de Troie et ses assaillants grecs, le même mot grec signifie «frêne» et «lance».
Les alphabets des arbres
D’après certains signes laissés par les anciens Celtes du nord de l’Europe, il y aurait eu une association entre les arbres et l’écriture. Les 25 caractères de l’alphabet celtique (ogham) utilisé dans les inscriptions sur pierre et sur bois portaient le nom d’un groupe de 20 arbres et plantes sacrés. Les 13 mois du calendrier celtique étaient aussi nommés d’après ces arbres.
L’une des sources de la liste d’arbres sacrés et de l’«alphabet des arbres» celtique était un groupe de poèmes liés à la légende de la Cad Goddeu (la guerre des arbres) où les arbres se sont mobilisés et ont attaqué un ennemi (Graves, 1966).
Les arbres «par ordre alphabétique» des Celtes identifiés par Graves et d’autres sont les suivants (dont plusieurs ne sont pas ré-ellement des arbres):bouleau blanc (Betula pendula); sorbier des oiseaux (Sorbus aucuparia); aune glutineux (Alnus glutinosa); saule (Salix alba ou Salix fragilis); frêne (Fraxinus excelsior); aubépine monogyne (Crataegus monogyna ou Crataegus laevigata); chêne (Quercus robur); houx (Ilex aquifolium) ou peut-être chêne vert (Quercus ilex); noisetier commun (Corylus avellana); pommier (Malus sylvestris); raisin (Vitis vinifera); lierre (Hedera helix); roseau commun (Phragmites australis); prunelier (Prunus spinosa); sureau noir (Sambucus nigra); sapin blanc (Abies alba); ajonc d’Europe (Ulex europaeus); bruyère (Calluna vulgaris); tremble (Populus tremula); et if (Taxus baccata). Selon l’hypothèse présentée par Graves concernant l’ordre des arbres, cet alphabet se fondait sur un ordre d’événements botaniques dans une zone géographique particulière (au moment de la feuillaison au printemps ou de la floraison, par exemple).
Les lettres de l’ancien alphabet irlandais consistaient simplement en lignes horizontales ou obliques, semblables à des runes. Elles étaient faciles à écrire et étaient à l’origine gravées sur le bois. En fait, les mots en irlandais pour «bois» et «science» ont presque le même son (Clark, 1995, 2001). Des tablettes de hêtre (Fagus spp.) servaient jadis d’écritoire (les caractères runiques droits y étaient gravés) et de très minces feuilles d’écorce étaient les pages des premiers livres (Rocray, 1997). En effet, le mot pour «livre» (book) pourrait être relié étymologiquement au mot «beech» (hêtre) en anglais et dans certaines autres langues indo-européennes.

Un arbre de vie qui relie le ciel et la terre est un concept commun à de nombreuses cultures (ci-contre, symbole celtique)

Dans la mythologie norvégienne, le frêne géant Yggdrasil reliait et protégeait tous les mondes
G. MAXWELL


CONCLUSION

Bien que la vénération de certains arbres ou bois persiste dans les traditions locales, l’adoration de l’arbre a, dans une large mesure, disparu du monde moderne. Cependant, les symboles qui restent dans le langage, les légendes et la culture servent à rappeler le rapport étroit qui existait entre la pensée humaine et le monde forestier. L’intérêt moderne à protéger les forêts n’est peut-être qu’une extension naturelle de la logique des anciens rites forestiers. Le bois sacré d’hier est aujourd’hui une réserve de biosphère, le site d’un patrimoine naturel ou une aire protégée. En creusant dans le règne du symbole, on peut souvent découvrir les liens qui existent entre les anciens systèmes de valeur et les pratiques modernes.
Bibliographie
Brosse, J. 1989. Mythologie des arbres. Plon, Paris.
Chevalier, J. et Gheerbrant, A. 1982. Dictionnaire des symboles. 2e éd. Robert Laffont et Editions Jupiter, Paris.
Clark, C. 1995. Natural history of the trees of the Celtic Ogham. Circle Network News, 17(2): 12-13.
Clark, C. 2001. Celtic Ogham. Document Internet: www.csupomona.edu/~jcclark/ogham
de Souzenelle, A. 1991. Le symbolisme du corps humain: de l’arbre de vie au schéma corporel. Albin Michel, Paris.
Graves, R. 1966. The white goddess. 2e éd. Farrar, Straus et Giroux, New York, Etats-Unis.
Hall, M.P. 1999. The secret teachings of all ages: an encyclopedic outline of masonic, hermetic, qabbalistic and rosicrucian symbolical philosophy. Philosophical Research Society, Londres.
Harrison, R.P. 1992. Forests: the shadow of civilization. University of Chicago Press, Chicago, Illinois, Etats-Unis.
Pochoy, J. 2001. ArchiVue. Document Internet www.archivue.net/humeurs/humdossier/machin-bois1.html
Rocray, P.-E. 1997. La symbolique des arbres. Rapport présenté à la Société de l’arbre du Québec. Disponible sur Internet: misraim3.free.fr/divers/la_symbolique_des_arbres.pdf
Warnayaka Art Centre. 2001. Dream trackers – Yapa art and knowledge of the Australian desert. Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Paris.
Wehner, K. 2002. Sakaki: sacred tree of Shinto. Mildred E. Mathias Botanical Garden Newsletter, 5(2). Document Internet: www.botgard.ucla.edu/html/MEMBGNewsletter

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