lundi 10 août 2020

Eloge de la nouvelle (extrait) Par Thérésa Cramisi..

 

Un espace narratif

Généralement bref, des personnages pris de bais, en cours de route une écriture ramassée une chute qui clôt, ou qui parfois la laisse en suspens, mystérieusement.

Voici ce qui grosso modo distingue le genre littéraire de la nouvelle. Si je devais tenter de le définir par des images en le comparant au roman traditionnel , je dirais que ce dernier pourrait être rapproché de l’art de la tapisserie (épisodes fondus dans une histoire vaste, personnages dont on suit les aventures etc..)

Alors que la nouvelle au contraire  ferait penser à un gant : une pièce sur mesure, qui s’adapte à la main, un objet subtil, fermé, dont toutes les coutures sont nécessaires et ajustées. La surpris, l’humour, l’angoisse, l’amour, l’ennui, le désespoir, la nostalgie, attrapés à la volée dans un court récit, requièrent une architecture fine et rigoureuse .C’est Baudelaire à propose d’Edgar Poe, qui exprime le mieux les contraintes de cette forme littéraire « ..Il ne doit pas s’y glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tend à parfaire le dessin prémédité. »

De nos jours le recueil de nouvelles n’est pas vraiment à la mode ; il effraie les éditeurs et les libraires « ça ne marche pas » vous diront-ils en chœur et consternés.

   Le pire est qu’ils disent la vérité. Qu’importe !

Ne les écoutez pas .Les grands nouvellistes classiques sont nombreux  et célébrés, tous édités en poche. Partez en vacances avec Anton Tchekhov, avec Luigi Pirandello. Lisez au hasard et en liberté, un texte par jour par exemple un rythme léger, qui laisserait le temps d’entendre résonner en vous des voix lointaines. C’est que vous ne partirez pas qu’avec deux grands écrivains, vous serez, vous serez accompagnés par la multitude de leurs créatures : une femme promène son chien , un homme éternue, un autre se meurt de jalousie , une étrangère revient mourir dans le lieu qui a caché ses amours. Certes Tchekhov

Vous emmènera dans les villes de province de l’immensité russe où s’étiolent

des existences bancales ; alors que Pirandello vous promènera en Sicile ou à Rome dans un jeu d’ombres qui favorise la folie et la cruauté. Ce n’est pas pour rien qu’ils furent de grands dramaturges.

« Des multitudes de miroirs qui reflètent la vie entière. »

En parcourant ces recueils composés de centaines d’histoires : des morceaux de mosaïques désassemblées qui pourraient se reconstituer en une frasque.

Le nouvelliste  ne veut pas d’une fresque grandiose ,il s’arrête avant , il nous raconte des petits bouts de vie, qui se développent dans un lieu lointain géographiquement et historiquement, un matériau humain, à la fois morcelé, et universel. Une tentative de raconter le monde par éclats, furtifs sans l’enserrer

Dans une cage et sans donner d’explication ou de morale.

 

 

 

 

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